En commençant en finissant. Pour une herméneutique des frontières

par Andrea Del Lungo

Publié dans Le Début et la fin du récit. Une relation critique, sous la direction d’Andrea Del Lungo, Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 7-22

« Un livre ne commence ni ne finit. Tout au plus fait-il semblant », prétendait Mallarmé, poursuivant le fantasme du Livre absolu – avec majuscule –, incommençable et interminable. Avouons que la réflexion du poète pourrait se révéler pertinente aussi dans la perspective critique de notre réflexion sur « le début et la fin », à condition de considérer la littérature comme un intertexte inépuisable, une parole continue dont nous essayons d’étudier la spécificité, en perpétuelle évolution, en perpétuel recommencement, en perpétuel retour sur elle-même. Peut-être cette réflexion pourrait-elle s’appliquer également au processus de lecture : pour le lecteur, le début est le début car il se désigne en tant que tel, et la fin est la fin parce qu’elle s’affiche, et parfois s’écrit sur la page du livre, en tant que telle. Mais tout a déjà commencé avant, dans d’autres livres, le livre s’étalant au-delà de ses frontières comme savoir, rêve, désir, frustration, souvenir, expérience de la mémoire, expérience du temps, expérience de la fiction, expérience tout court[1].

Nous voilà donc sans objet pour ce travail collectif sur le début et la fin. Sauf à admettre que nous voulons interroger précisément ces semblants de début et de fin, ces espaces flous de rencontre et d’adieu, de séduction et de déception, inéluctablement marqués par la dissimulation, le jeu, le mensonge, le piège : ce n’est pas un hasard si le début et la fin constituent les lieux textuels privilégiés de concentration de l’ironie, du pastiche, des effets intertextuels, de l’appel au lecteur, de la métalepse. Le début et la fin ne sont au fond que le royaume des apparences et des faux-semblants, où se scelle un pacte de lecture qui, dans le genre romanesque, oblige le lecteur à faire semblant de croire que tout est vrai, alors que celui-ci sait pertinemment que tout est imaginaire, et à faire semblant de vivre la fiction comme si c’était la réalité.

Cependant, le début et la fin existent bel et bien dans le roman, et se définissent exactement comme frontières de l’espace fictionnel. Mais le critique de nos jours, en voie de désintoxication après quelques décennies de lectures structuralistes intratextuelles, est bien obligé d’admettre qu’une telle frontière constitue moins une séparation qu’une ouverture. En effet, même si le début et la fin délimitent le texte – on reviendra sur cette idée de délimitation –, il s’agit dans les deux cas de seuils à double sens, ouverts à la fois vers le texte et le monde, où s’articule précisément la relation entre l’œuvre littéraire et son dehors – contexte, savoir, histoire. Un roman, donc, fait semblant de commencer et de finir dans la mesure où son commencement et sa fin ne peuvent rien avoir d’absolu : moins qu’une frontière, ces deux espaces doivent être considérés comme une transition, un passage, voire un entre-deux. Là réside, je crois, l’intérêt de noter travail collectif, que l’on pourrait résumer en citant une phrase lumineuse d’Italo Calvino : « étudier les zones de frontière de l’œuvre littéraire, c’est observer les modalités dans lesquelles l’opération littéraire comporte des réflexions qui vont au-delà de la littérature mais que seule la littérature peut exprimer »[2].

Nous avons donc essayé de théoriser, autant que possible, cette relation critique entre le début et la fin du récit, en articulant la réflexion suivant les genres du texte (1re partie), les figures de la relation (2e partie), les possibilités interprétatives qu’ouvre la confrontation des frontières (3e partie), ou le questionnement, parfois aporétique, autour des notions mêmes de début et de fin proposé par une certaine modernité ou postmodernité artistique (4e partie). La dernière partie de l’ouvrage, intitulée « La fabrique du roman » rassemble trois entretiens inédits avec des romanciers contemporains – Christine Montalbetti, Jean Rouaud, Jean-Philippe Toussaint –, qui montreront à quel point l’écriture du commencement et de la fin est un geste d’une extrême importance dans la genèse de l’œuvre ; et que l’articulation des frontières se trouve souvent programmée non seulement pour établir une relation à l’« au-delà de la littérature », comme le dirait Calvino, mais aussi pour infléchir l’interprétation du texte.

Mon propos liminaire vise à ouvrir des perspectives théoriques sur la question, en essayant de définir les points communs de ce travail collectif : d’abord, par un bilan critique sur le début et la fin du texte, qui permettra de souligner la nouveauté de notre geste d’articulation des frontières ; ensuite, par la définition de problématiques communes au plan théorique, dans une partie qui fera référence aux différentes contributions de notre ouvrage collectif ; enfin, par une réflexion sur les formes possibles de la relation entre début et fin, selon une perspective herméneutique qui vise à étudier la construction du sens de l’œuvre.

Le début et la fin : panorama critique

 L’objet de notre travail collectif est donc le rapprochement et l’articulation des frontières textuelles : suivant une pluralité d’approches, nous avons essayé d’étudier la relation qui se noue entre le début et la fin du récit : relation critique à tous les sens du terme, en raison des enjeux propres à ces deux lieux stratégiques du texte. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’un tel rapprochement constitue un geste relativement nouveau dans le champ critique, en dépit de très anciennes codifications rhétoriques du début et de la fin, à la fois oratoires, de Gorgias à Quintilien, et littéraires : songeons, dans le domaine du théâtre, à la Poétique d’Aristote, et dans le domaine de la poésie épique à l’Art poétique d’Horace.

En effet, la critique moderne a presque toujours traité séparément l’analyse des espaces d’ouverture et de clôture du texte. Donnons quelques jalons de cette histoire de la critique : plusieurs ouvrages se sont focalisés sur la fin du roman, à partir de celui de Frank Kermode, The Sens of an Ending (1967), suivi de trois autres livres tout à fait significatifs : Closure in the Novel, de Marianna Torgovnick (1981), La Clôture narrative, de Armine Kotin Mortimer (1985), et Le Mot de la fin. La clôture narrative en question, de Guy Larroux (1995) ; rappelons aussi, dans le domaine français, l’article fondateur de Philippe Hamon, « Clausules », paru dans la revue Poétique en 1975. Le commencement, lieu textuel souvent exploité dans la pratique pédagogique, a également fait l’objet d’études critiques – en réalité, et curieusement, moins nombreuses que celles consacrées à la fin. Après la parution de l’ouvrage très important d’Edward Saïd, Beginnings (1975), d’inspiration philosophique, la bibliographie critique sur l’incipit présente un grand nombre d’analyses ponctuelles, parfois fondamentales – la sociocritique trouve sa naissance dans l’analyse de l’incipit de Madame Bovary par Claude Duchet, dans le premier numéro de la revue Littérature en 1971 –, de volumes collectifs, mais finalement peu d’études d’ensemble, au moins jusqu’à la publication de la thèse de doctorat que j’ai consacrée à la question (que l’on me pardonne cette autoréférence…)[3].

Il est évident que ces deux objets textuels, le début et la fin, posent des problématiques différentes : le commencement, moment redoutable pour l’écrivain et moment décisif pour le lecteur, n’a sans doute pas les mêmes fonctions que la fin, moment décisif pour l’écrivain et peut-être redoutable pour le lecteur. Il est aussi évident, à la lecture de la bibliographie critique, que le commencement constitue un objet plus apte à la théorie, et notamment à la définition des fonctions, que la fin, objet sans doute plus fuyant, et dont l’interprétation relève davantage, me semble-t-il, des cas particuliers.

De ce point de vue, il n’est pas sûr que « le-début-et-la-fin » (considérons le sujet de notre travail comme un syntagme figé) constitue un véritable objet théorique ; osons au moins le poser en tant qu’objet critique, car cela n’a jamais été véritablement fait dans le domaine littéraire[4]. Certes, plusieurs études ont été consacrées à la structure d’ensemble du texte littéraire et ont déjà affronté notre problématique, à partir notamment du formalisme russe (Propp, Chklovski), en passant par un certain structuralisme (Bremond, Greimas), jusqu’à l’analyse de Barthes dans S/Z (1970) ; mais je ne vois à vrai dire que trois antécédents critiques, que je vais mentionner plus longuement, au travail que nous menons ici dans le domaine littéraire[5].

La première référence en la matière est sans doute le livre de Iouri Lotman, La Structure du texte artistique, qui est consacré à l’analyse de la notion de cadre de l’œuvre d’art, et cela à partir d’un axiome formaliste : l’œuvre d’art est telle car elle définit, établit et trace des frontières ; elle représente, affirme Lotman, « un modèle fini d’un monde infini »[6]. Il est alors évident que la notion de délimitation – l’œuvre d’art se définit précisément par ses limites –, loin d’être un simple fait formel, se révèle un choix essentiel, qui pose des enjeux non seulement d’ordre esthétique, mais aussi cognitif et idéologique : la limite d’un texte est une question qui implique une vision du monde. Les quelques pages que Lotman consacre à l’analyse théorique du cadre dans l’œuvre littéraire dépassent largement les limites de l’approche formaliste, l’auteur assignant un rôle « modalisateur » au début et à la fin du texte, fondé sur la relation entre le particulier fini, l’œuvre, et l’universel infini, le monde[7]. Lotman précise aussi son analyse en définissant la fonction « codante » du début, qui renvoie à un savoir, et la fonction « mythologisante » de la fin, qui reproduit par un élément particulier toute une image du monde, dans une étude qui, à partir d’une approche formaliste, aborde de véritables enjeux idéologiques du texte.

La deuxième réflexion critique que j’aimerais évoquer est la thèse de Frédérique Chevillot consacrée à la« réouverture » du texte, notion qui permet de lire le roman – l’auteur analyse un vaste corpus s’étalant de Balzac à la littérature contemporaine – suivant la quête d’un nouvel élan, narratif et intertextuel : « narratif, parce que cet élan relance le texte romanesque lui-même ; intertextuel, parce qu’il renvoie, au-delà du récit-tremplin, à d’autres textes et à d’autres écritures »[8]. C’est notamment l’idée de clôture qui est ici contestée, voire subvertie : sur la base du constat que le mouvement de clôture ne parvient jamais, dans aucun des cas étudiés, à imposer de complétude au récit, Chevillot propose de « saisir le texte en cours d’éternelle ouverture »[9] et essaie d’analyser la dynamique autre qui aménage l’espace nécessaire à la relance et qui oriente le texte vers sa réouverture. La délimitation spatiale du texte même se voit ainsi brisée, suivant une vision critique qui considère la frontière comme un espace non seulement de transition et de passage, mais aussi de rebondissement.

Le dernier jalon, et sans doute le plus important, de cette histoire critique est constitué par la réflexion d’Italo Calvino sur le début et la fin du roman dans son projet de conférence pour les « Norton Lectures » – projet inabouti à cause de la mort de l’écrivain, mais dont il reste la trace à l’état de manuscrit entièrement rédigé. Ce texte capital, qui s’intitule « Commencer et finir » et qui a été traduit en français dans le recueil Défis aux labyrinthes, constitue donc la seule analyse explicitement et entièrement consacrée à la relation entre le début et la fin, même si, on le verra, l’articulation des frontières textuelles est en réalité « escamotée » par l’auteur. Sa réflexion commence par une référence implicite, mais qui me semble tout à fait évidente, aux études formalistes de Lotman : l’intérêt de la question du début et de la fin réside précisément, selon Calvino, dans l’articulation de l’universel et du particulier, de l’illimité et du fini, cette fois-ci selon le point de vue de l’écrivain. Moment décisif pour l’écrivain, nous dit Calvino, le commencement représente le « détachement de la potentialité illimité et multiforme pour rencontrer quelque chose qui n’existe pas encore mais qui ne pourra exister qu’en acceptant des limites et des règles »[10]. Or, ce « quelque chose » est précisément le roman, qui se définit, pour Calvino aussi, par ses propres frontières et par une véritable nécessité de délimitation. L’écrivain passe ainsi en revue un certain nombre de modèles de commencement : d’abord, le modèle qui identifie le héros[11], correspondant à l’époque du roman classique, qui vise à tisser un lien de l’universel au particulier par la mise en place du protagoniste ; il évoque ensuite les débuts « cosmiques », à la manière de Borges ou de Melville, propres aux œuvres-monde ; et les débuts encyclopédiques, qui intègrent tout un savoir dans le texte ; et finalement il ne consacre que deux pages à la question de la fin, donnant l’impression que cet essai est essentiellement une réflexion sur le commencement. D’autant plus que Calvino ne cache pas sa « préférence », affirmant vers la fin de son texte que « l’histoire de la littérature est riche en incipit mémorables, alors que les fins qui présentent une véritable originalité comme forme et comme signification sont plus rares, ou, du moins, ne se présentent pas à la mémoire aussi facilement »[12]. Réflexion paradoxale, car dans le processus de lecture, c’est bien la fin qui devrait être mémorable – dans le sens de « rester dans la mémoire » – alors que Calvino érige le commencement en acte décisif, afin d’expliquer une phrase qui dévoile le point de vue de l’écrivain, plutôt que celui du critique : « Le début et la fin, même si nous pouvons les considérer comme symétriques sur un plan théorique, ne le sont pas au plan esthétique »[13]. Or, c’est précisément cette « symétrie théorique », que l’écrivain n’a pas voulu aborder, qu’il s’agit d’élucider dans notre ouvrage.

II. Problématiques

 En guise de synthèse des enjeux de notre travail, et faisant référence aux articles critiques qui vont suivre, je résumerai en cinq points les problématiques communes qui constituent autant d’interrogations posées à différents niveaux, de la théorie littéraire à l’herméneutique, de la poétique à l’histoire des idées.

1) La première question capitale, et en quelque sorte inévitable, concerne le statut des frontières textuelles. Quelle que soit la perspective adoptée par les auteurs, une attention constante a été consacrée à la détermination de ces lieux stratégiques : c’est-à-dire à la définition d’une première unité du texte, le début, qui prend son sens par rapport à l’ensemble ; et, de l’autre côté, à la définition de la séquence finale, pour laquelle la triade proposée par Philippe Hamon dans son article « Clausules » (fin, finition, finalité) a souvent été exploitée, tout comme le principe de lecture « rétroactive » préconisé par Guy Larroux dans Le Mot de la fin, à la recherche de ce décrochage narratif qui permet d’identifier le « début de la fin »[14]. La question de la détermination des frontières textuelles se complique d’ailleurs si l’on considère les frontières internes : partition, chapitres, séquences, récits encadrés (voir l’article de Marc Escola à propos d’Adolphe de Benjamin Constant), romans épistolaires, œuvres fragmentaires ; et si l’on considère aussi certaines frontières « externes », dans le cas des romans « sériels » présentant des scansions complexes, comme La Recherche (voir la contribution de Nathalie Mauriac-Dyer sur la « clôture intermédiaire »). Bref, encore une fois la frontière se propose à nous comme un véritable entre-deux.

2) Une deuxième question théorique porte sur les aspects fonctionnels des frontières textuelles. L’enjeu principal était dans ce cas d’interroger les notions d’ouverture et de clôture selon une perspective téléologique, d’ordre à la fois narratif (suivant les catégories de causalité et de motivation) et herméneutique, visant à analyser les différents dispositifs d’articulation du sens qui se dégagent du rapprochement du début et de la fin (voir l’article de Pascale Mounier sur les romans de la Renaissance). D’une part, il s’agissait d’observer comment le texte programme, à ses frontières, son propre déchiffrement : à l’ouverture, par l’annonce, la « mise en réserve » ou la dissimulation d’un sens que la clôture se charge de dévoiler, déplacer ou disperser. D’autre part, l’analyse d’une telle articulation a pu aussi montrer de quelles manières les deux frontières textuelles se rapportent aux attentes du lecteur – attentes préexistantes ou engendrées par le texte –, entre les hypothèses extrêmes d’une reconnaissance ou d’une déception, ou d’une mise en attente de l’ordre du « retard », comme l’imagine Charles Grivel qui propose, dans son article, une relecture critique de ses anciens travaux.

3) Articulée à cette question fonctionnelle, qui situe l’analyse du côté de la réception du texte, une réflexion sur les genres narratifs est développé notamment dans la première partie de l’ouvrage. Elle vise à étudier, en perspective poétique et historique à la fois, les codifications possibles de la relation entre début et fin, à partir de quelques cas emblématique : le récit herméneutique propre au roman policier, qui fonde le contrat de lecture sur l’articulation même entre la formulation initiale de l’énigme et son dévoilement final (ses « variations » sont analysées par Marion François) ; la nouvelle, qui rapproche début et fin par sa rapidité narrative (voir l’article de Frédérique Chevillot) ; ou les configuration plus complexes du roman-fleuve qu’aborde la contribution d’Hélène Baty-Delalande.

4) La quatrième question concerne les métaphores spatiales qu’implique l’étude de la relation entre le début et la fin du texte. Dans cette perspective, nous avons souvent essayé de comparer ces lieux décisifs, parfois rapprochés dans la genèse du texte mais que la lecture éloigne, par un geste critique visant à fonder une lecture autre par rapport à celle que le texte oriente et programme. L’enjeu d’une telle lecture affranchie de son propre contrat a été donc d’étudier des effets de sens (symétries, cohérences, écarts, courts-circuits), d’analyser les aspects intertextuels et métatextuels des frontières, ainsi que l’ancrage dans une réalité historique ou référentielle. L’étude de cette « relation critique » a permis d’imaginer des mécanismes de « relance » du texte, de sa lecture et de son sens, par un déplacement radical des fonctions des frontières mêmes, ainsi que de la lecture traditionnelle et linéaire du texte (voir l’article de Frank Wagner sur le Nouveau Roman), ce qui a conduit par ailleurs à observer d’autres formes possibles de disposition : des textes itératifs, des textes circulaires, des textes en boucle (Emmanuel Bouju analyse ce dispositif à partir de l’épigraphe), voire des textes obliques, comme le suggère Boris Lyon-Caen à propos de Flaubert. Nous sommes là au cœur d’une esthétique moderne visant à l’éclatement des frontières et des catégories logiques mêmes du début et de la fin (voir la contribution de Jonathan Degenève sur Beckett).

5) Une dernière question, plus vaste, concerne le sens de l’histoire. Au-delà des aspects théoriques, l’enjeu de ce travail collectif était aussi, je viens de le rappeler, d’observer l’ouverture du texte sur son dehors, dans sa relation au monde, et de suivre donc une perspective historique qui nous a conduit à constater la pertinence remarquable des notions de début et fin dans le domaine de l’histoire des idées ; citons à ce propos l’introduction de l’article que Guy Larroux consacre à Pierre Michon : « Les idées de début et de fin se trouvent elles-mêmes prises dans le mouvement de l’histoire et on peut estimer qu’à de nouvelles conjonctures correspondent des représentations spécifiques ». Ce n’est pas un hasard si plusieurs contributions se focalisent sur la littérature du XXe siècle – y compris celle de Giulio Ferroni sur le thème, aussi initial que final, de la mort –, évoquant parfois les aspects apocalyptiques d’un siècle qui, même une décennie après sa fin, n’en finit pas de finir, et qui a postulé la fin de l’humanité, la fin de l’histoire, la fin des idéologies, la fin de l’art, de la littérature, du roman, la fin de la modernité aussi… C’est un siècle qui, par rapport à cette problématique des frontières (dans un cadre historique), a forgé la catégorie du post (du postindustriel ou du postmoderne, désormais écrit sans tiret) ou, comme le soutient Lionel Ruffel, de l’« après la fin »[15].

III. Formes d’une relation herméneutique

Après avoir posé ces problématiques communes à notre travail, je voudrais m’interroger sur les formes possibles de cette articulation des frontières, dans la perspective téléologique de la construction du sens de l’œuvre, afin d’étudier les dispositifs de déchiffrement qu’elle met en place au début et à la fin.

Mon hypothèse de départ est que l’incipit constitue autant une exposition – des thèmes et des significations – qu’une mise en réserve du sens, selon un dispositif d’attente qui fonde la lecture même du roman. En effet, le sens du commencement ne pourra être saisi qu’à la fin, au moment où le texte fournit ce que j’appellerai une clé herméneutique, un mode de déchiffrement qui permet de réévaluer et de réinterpréter le commencement. L’incipit, lieu narratif capital en tant qu’il met en marche une histoire et qu’il oriente sa lecture, devient ainsi un véritable lieu herméneutique dans la relation à cet autre extrême textuel, la fin, dont la valeur fondamentale, au niveau de l’interprétation, n’est plus à démontrer. Tout comme il ouvre des possibles narratifs, l’incipit ouvre aussi des « possibles sémantiques » : un ensemble de signes, d’annonces ou d’indices qui ne prennent leurs sens qu’à la fin, mais qui peuvent aussi se révéler de fausses pistes, des feintes ou des dissimulations. Et cet ensemble de possibilités sémantiques ne concerne pas uniquement l’intrigue et la suite des actions, comme dans le cas des possibles narratifs, mais investit aussi d’autres questions fictionnelles telles que la caractérisation des personnages ou la construction de l’univers imaginaire, et enfin, plus largement, le système des savoirs ainsi que la vision idéologique et morale du texte.

Le fondement de notre travail collectif, de ce point de vue, réside dans la conviction que la relation entre le début et la fin est l’élément prioritaire et privilégié afin de donner au lecteur une telle clé herméneutique, permettant de relire et de réinterpréter le texte ; et qu’une telle relation critique – précisément dans le sens où elle permet une exégèse – est programmée par le texte, en ce que la fin renvoie de manière en quelque sorte inéluctable au début, au lieu où le parcours du sens a commencé. Il n’en reste pas moins que, pour décrire les formes possibles d’une telle relation herméneutique, tout effort de théorisation est vouée à l’échec, dans la mesure où chaque texte fait fonctionner cette relation à sa manière particulière. Abandonnant le terrain théorique dans lequel j’ai jusqu’ici placé mon propos, je terminerai par une typologie qui relève uniquement d’une expérience de lecture tout à fait empirique, qui m’a néanmoins permis d’observer au moins cinq formes possibles de la relation herméneutique entre début et fin du récit, se fondant essentiellement sur une lecture critique à rebours, depuis la fin du texte :

1) la première est une relation de continuité, lorsque la fin actualise de manière logique et cohérente, voire symétrique, le sens initial. C’est le cas du roman classique bien enchaîné – ou, selon Barthes, « lisible » – dans lequel la fin confirme les possibles sémantiques du commencement. Un exemple typique serait fourni par la symétrie, fort connue, entre le début et la fin de Madame Bovary de Flaubert, se focalisant sur le personnage de Charles, de manière à ce que l’histoire de l’héroïne soit encadrée par celle du mari. Mais au-delà d’un telle symétrie structurale et narrative, il est évident que le début du roman se pose sous le signe d’une exclusion qui fait d’emblée sens : celle de Charles Bovary, le « nouveau » raillé sans pitié à son arrivée parmi les élèves du collège de Rouen. Au conflit social – la description montre tous les signes de l’appartenance à une classe sociale différente, Charles s’opposant par son aspect paysan aux bourgeois du collège – s’ajoute ainsi une confrontation à l’autorité, thématique fondamentale du début incarnée par les figures propres au milieu scolaire (le Proviseur, le maître d’études), qui humilient le personnage. La fin du roman ne fait alors que confirmer les hypothèses herméneutiques initiales : Charles est montré comme victime de sa propre lâcheté – en témoigne le dernier dialogue avec Rodolphe – mais aussi comme victime de l’autorité, qui est personnifiée lors de la glorification finale de Homais (« l’autorité le ménage et l’opinion publique le protège »). Même après sa mort, Charles se trouve à nouveau exclu de la doxa et privé de rôle social, dans la mesure où il est littéralement remplacé dans ses fonctions par le pharmacien Homais, qui achève son ascension sociale en se faisant « une clientèle d’enfer » et en empêchant l’installation des médecins successeurs de Bovary. La croix d’honneur décernée au pharmacien, dernier signe d’autorité qui apparaît dans la clausule du roman, établit ainsi une continuité essentielle entre début et fin, qui montre naturellement le triomphe tragique de la bêtise bourgeoise.

2) la deuxième forme consiste en une relation de déplacement, lorsque la fin réactualise les possibles sémantiques du début, mais les infléchit vers d’autres significations. Un exemple canonique de fin qui opère un déplacement du sens initial nous est fourni par La Recherche, dont les dernières phrases bouclent le commencement, faisant écho à deux reprises au « longtemps » initial : « il ne me semblait pas que j’aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin. Ainsi, si elle m’était laissée assez longtemps pour accomplir mon œuvre, ne manquerais-je pas d’abord d’y décrire les hommes […] ». Mais le temps du vécu – évoqué par l’incipit célèbre, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » – se trouve ici remplacé d’abord par le temps de l’écriture, et ensuite par un temps infini et absolu associé par le dernier mot, en majuscule, à la place démesurée que l’œuvre devrait assigner aux hommes, « dans le Temps ». Même si ce dernier sens était déjà présent, en filigrane, à la fin du premier paragraphe, lorsque le jeune narrateur rêvait d’être lui-même l’objet des livres qu’il était en train de lire, il est évident que la fin déplace la signification du terme fondamental de ce roman, le temps étant enfin considéré sous l’aspect d’une réversibilité que seule l’expérience artistique peut permettre.

3) la troisième forme montre une relation de dévoilement, sans soute la plus courante et la plus attendue dans le texte narratif, lorsque la fin se charge de révéler ce qui n’était pas dit, en donnant un sens rétrospectif à l’ensemble du texte. Cette clé herméneutique qui permet le déchiffrement global se fonde essentiellement sur l’ajout d’une signification jusque là non actualisée par le roman, mais en quelque sorte programmée depuis le début. Il s’agit du paradigme propre au roman policier, ainsi qu’à toute forme de ce que Barthes appelle le « récit herméneutique », reposant sur la formulation d’énigme et sur leur dévoilement. Je me permets cependant d’insister sur la notion d’ajout car, dans le roman policier classique, la fin ne consiste pas seulement en un dévoilement de l’énigme initiale, mais aussi en l’explication d’une méthode déductive qui a précisément permis le dévoilement : un sens vient donc s’ajouter, comme le prouvent d’ailleurs les nouvelles d’Edgar Allan Poe – pour remonter à la naissance du genre –, qui s’ouvrent souvent par des digressions sur la méthode analytique même (par exemple, le longue réflexion sur les jeux d’échecs, des dames ou du whist, au début de Double assassinat de la rue Morgue), en assignant au récit une fonction exemplaire, tel un « commentaire lumineux des propositions » que le narrateur de la même nouvelle énonce au commencement. Ce que révèle la fin, c’est donc moins l’énigme narrative, déjà levée, que l’élément manquant à la complétude du raisonnement analytique, souvent donné par un ajout intertextuel du très cultivé Dupin : une citation de Rousseau, dans la nouvelle déjà citée, ou de Crébillon, dans La Lettre volée.

4) la quatrième forme de relation relève d’une rupture qui s’instaure, par rapport au sens initial, quand la fin revient à nier, parfois par symétrie inversée, les possibles sémantiques ouverts au commencement. Restons dans les classiques du roman pour citer comme exemple Illusions perdues, dont le début encyclopédique se focalise sur l’histoire et les techniques de l’imprimerie – annonce d’un livre qui fera du livre son sujet même – avant d’introduire, avec la lenteur propre aux « préparations » balzaciennes, le conflit générationnel entre le père Séchard, propriétaire de l’imprimerie, et son fils David, jeune esprit romantique à l’âme de poète. La fin du roman conduit l’histoire à son terme en évoquant la destinée de chaque personnage, excepté Lucien, dont le retour dans Splendeur est misères des courtisanes est annoncé par la dernière phrase ; à part cette ouverture en guise de coup de publicité, la fin scelle la victoire des bourgeois provinciaux comme Petit-Claude ou des affairistes sans scrupule comme les Cointet, au détriment du « pur » David, dépossédé de ses inventions de génie. Mais c’est surtout la destinée choisie par ce dernier qui est particulièrement peu glorieuse par rapport aux ambitions initiales : grâce à l’héritage de son père, il peut mener avec sa femme « la vie heureuse et paresseuse du propriétaire faisant valoir », et s’adonne à l’entomologie. Or, ce rétrécissement du point de vue – de la poésie aux insectes, pourrions-nous dire – correspond à une rupture, déjà annoncée par le titre du roman, conduisant de l’illusion initiale à une désillusion qui désamorce le conflit à tous les niveaux : social, moral, idéologique et générationnel. La fin, dans ce cas, constitue une véritable négation du début.

5) la dernière forme est une relation de suspension, dans les cas où la fin reste sémantiquement ouverte, sans donner aucune possibilité de figer un sens ou de définir une interprétation. Il s’agit naturellement d’une relation propre au roman de l’ère du soupçon, caractérisé par une remise en question des catégories traditionnelles, ainsi que des notions mêmes de début et de fin. Puisque plusieurs contributions de notre ouvrage portent précisément sur un tel corpus vingtiémiste, je me limiterai à évoquer un exemple très antérieur, qui nous fait remonter à l’époque de naissance du roman : La Princesse de Clèves. Le début et la fin se trouvent en relation de rupture, dans la mesure où le roman commence par un vaste tableau de la cour de Henri II, détaillant tous les personnages historiques qui la composent, et se termine par une retraite, une véritable fuite hors de ce monde social auquel la princesse décide de se soustraire, choisissant le couvent. Si ce premier sens de l’œuvre est parfaitement lisible – la relation entre les deux frontières textuelles ne faisant que confirmer le déroulement analytique de la conscience de la princesse au cours de l’intrigue –, un second niveau de lecture jette un soupçon sur l’interprétation possible. Le début, chantant la « magnificence » et la « galanterie » de la cour royale, engage de toute évidence le lecteur sur une fausse piste, car la suite montrera que, dans ce royaume des apparences, sous la magnificence pointe l’hypocrisie, tout comme la galanterie cache les intrigues de cour. Quant à la fin, évoquant les occupations de la princesse dans sa retraite, « plus saintes que celles des couvents les plus austères », et sa vie, qui « laissa des exemples de vertu inimitables », elle sonne encore plus faux que le début en raison de sa visée moralisatrice. En tout cas, la fin ne permet pas de lever l’énigme située au cœur de l’analyse de conscience, tout au long du roman, et référée aux raisons du refus final. Derrière la morale plaquée, pourquoi la princesse ne cède-t-elle pas à Nemours, qui à la fin fait figure d’amoureux transi ? Le roman indique une raison (la culpabilité pour la mort du mari), mais suggère au moins deux autres possibilités : que la princesse ait deviné le caractère inéluctablement inconstant du duc (« enfin, des années entières s’étant passées, le temps et l’absence ralentirent sa douleur, et éteignirent sa passion » – le dernier verbe me paraît particulièrement fort dans un roman qui pratique l’art de la litote…) ; ou qu’elle-même ne soit plus sous l’emprise de la passion, celle-ci se nourrissant tout au long du roman des obstacles qui viennent l’entraver et qui en empêchent la réalisation. Au fond, c’est le sens philosophique du roman, autour du thème de la passion, qui ne trouve pas de solution dans cette fin suspendue.

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Ces quelques réflexions auront montré, je l’espère, que le début et la fin ne représentent pas uniquement des lieux stratégiques du texte, dont la critique à déjà pu montrer les enjeux, mais aussi de véritables lieux herméneutiques dont l’articulation produit des significations parfois inattendues, et oriente l’interprétation globale du texte, l’ouvrant à sa relecture. C’est en effet une relation au lecteur qui se joue là, dans la nécessité de le faire entrer dans l’univers du roman, et de lui donner congé en livrant l’œuvre à son interprétation, voire à son évaluation. Mais il s’agit aussi, pour l’écrivain, d’affronter les difficultés d’une telle relation. Les entretiens par lesquels s’achève cet ouvrage nous en fournissent de multiples témoignages : « L’invention de l’auteur – rappelle Jean Rouaud se référant au titre d’un de ses ouvrages – c’est aussi le fait de poser le premier mot » ; Christine Montalbetti, qui a consacré plusieurs pages à la relation au lecteur qui s’instaure au début et à la fin du texte (notamment dans L’Origine de l’homme), affirme de son côté que « le début d’un roman, c’est le lieu le plus intimidant » ; Jean-Philippe Toussaint, nous introduisant de manière encore plus « intime » dans la fabrique de ses roman, montre à quel point tout commencement peut être une fin, et vice versa (comme dans le cas de Monsieur), et évoque le geste esthétique d’avoir préparé une plaquette dans laquelle les débuts et fins de ses romans étaient mis bout à bout.

Il me semble cependant que le questionnement autour des frontières du texte est ici radicalement autre que celui condamnant ces frontières mêmes à l’aporie, ou les qualifiant de notions périmées : Jean Rouaud rappelle par exemple la question cruciale : « comment raconter des histoires malgré tout ? », répondant par une « obligation » narrative à propos de L’Imitation du bonheur, dont l’histoire est, au début, « chargée de toutes les préventions de l’époque (la mort du roman, de l’auteur, de l’imagination) et pourtant, il va falloir qu’elle vole, il va falloir qu’elle chante, qu’elle raconte la pure rencontre des deux protagonistes ». Évoquant leur filiation intellectuelle, les trois écrivains montrent, me semble-t-il, une vision du roman contemporain moins chargée d’une réflexivité angoissante : un roman qui, après avoir tant débattu sur l’impossibilité de commencer et de finir, semble maintenant affronter, avec la pleine conscience de ce questionnement, l’aspect inéluctable du début et de la fin.

« La bêtise consiste à vouloir conclure », écrivait Flaubert[16]. Et pourtant, il le faut.

 NOTES

[1] Tel est aussi le sens de l’histoire du lecteur et de la lectrice dans le roman qui a problématisé de manière exemplaire l’articulation de ses frontières, Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino.

[2] I. Calvino, « Commencer et finir », appendice aux Leçons américaines, dans Défis aux labyrinthes, Paris, Seuil, 2003, t. II, p. 106.

[3] Soutenue en 1995, la thèse a d’abord été publiée en italien, (Gli inizi difficili. Per una poetica dell’incipit romanzesco, Padoue, Unipress, 1997), et ensuite en traduction française, dans une version largement revue et remaniée, sous le titre L’Incipit romanesque (Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2003). On peut consulter cet ouvrage pour un aperçu bibliographique sur le début de roman (p. 324-367) ; pour la fin, je renvoie à la bibliographie dressée par Guy Larroux dans Le Mot de la fin. La clôture narrative en question, Paris, Nathan, 1995, p. 227-237.

[4] Une seule thèse aborde la question (celle de Giuliana Adamo, Come iniziano e come finiscono i romanzi. Storia e analisi, Université de Reading, 1999), analysant beaucoup d’exemples sans avoir de véritables ambitions théoriques (l’auteur nous donne cependant une « histoire de la critique » très détaillée dans l’article « Riflessioni su inizi e fini di romanzi nella critica novecentesca », The Italianist, Université de Reading, 19, 1999) ; citons aussi le volume collectif Beginnings/Endings/Beginnings, dirigé par D. Cervigni (dans la revue Annali d’Italianistica, Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, 18, 2000), qui présente des études ponctuelles parfois très intéressantes (sur Calvino, par exemple), mais qui reste décevant dans sa partie théorique ; et le numéro 2 de la revue Narratologie (dirigé par A. Tassel, Université de Nice, 1999) intitulé « Les frontières du récit », dans lequel seulement quatre articles – dont le premier de Guy Larroux sur le concept de cadre – se fondent sur le principe de l’articulation des frontières, les autres étant consacrés tantôt au début, tantôt à la fin. Quelques remarques sur l’articulation entre le début et la fin se trouvent aussi dans les ouvrages de Marianna Torgovnick, Closure in the Novel, Princeton University Press, 1981, p. 13-16, et de Jean Molino – Raphaël Lafhail-Molino, Homo fabulator. Théorie et analyse du récit, Montréal/Arles, Leméac/Actes Sud, 2003, chap. III, « L’organisation du récit », p. 81-117.

[5] En revanche, dans le domaine cinématographiques, les études sur le début et la fin ont été nombreuses, le film constituant sans doute un objet esthétique particulièrement apte à l’analyse structurale, qui s’est développée depuis les années 1970 avec une véritable prolifération d’études sur le générique ou sur les séquences initiales et finales. En effet, si dans le roman le processus de lecture éloigne les frontières du texte et pose ainsi la question de la mémoire du lecteur, au fil du temps en quelque sorte indéfini de la lecture elle-même, le film, au moins dans sa vision dans la salle de cinéma, oblige à une réception réglée sur le plan temporel, celle de la durée de la pellicule, et rapproche du coup le début et la fin dans la mémoire du spectateur. Je crois que, de ce point de vue, le cinéma est un art qui permet de jouer davantage sur les mécanismes de mémoire, sur les symétries, sur les effets de sens entre début et fin. Ce n’est pas un hasard si le geste nouveau que nous essayons dans le domaine romanesque a déjà été effectué dans le domaine de l’analyse filmique, au moins trois fois : rappelons le numéro spécial de la revue allemande Montage/av, consacré au début et à la fin du film (Anfänge und Enden, 12/2, 2003) ; l’imposant volume trilingue intitulé Limina/Le Soglie del film/Film’s Thresholds (sous la direction de Veronica Innocenti et Valentina Re, Udine, Forum, 2004), rassemblant les actes du Xe Colloque international d’études sur le cinéma qui s’est tenu à Udine et Gradisca en 2003 (ouvrage de facture vraiment remarquable, qui présente l’analyse d’un très grand nombre de cas particulier, mais qui ne propose que peu d’articles à visée générale sur la question ; et le numéro hors-série de la revue Murmure, intitulé Ouvrir-Fermer (sous la direction de Philippe Ragel, 2007), dans le cadre de notre même projet de recherche.

[6] I. Lotman, La Structure du texte artistique, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1973 (éd. orig. Moscou, 1970), p. 300.

[7] Ibid., p. 302.

[8] F. Chevillot, La Réouverture du texte. Balzac, Beckett, Robbe-Grillet, Roussel, Aragon, Calvino, Bénabou, Hébert, Saratoga, Anma Libri, coll. « Stanford French and Italian Studies », 1993, p. 138.

[9] Ibid., p. 14.

[10] I. Calvino, « Commencer et finir », op. cit., p. 105.

[11] Le texte français porte à ce propos le terme d’individualisation (ibid., p. 108), traduction fort contestable de l’italien individuazione, ayant plutôt le sens d’identification.

[12] Ibid., p. 118.

[13] Ibid.

[14] Pendant le colloque intitulé précisément « Le début de la fin » (organisé en 2004 à l’université de Paris VII, par Jonathan Degenève), on a pu aussi émettre cette hypothèse extrême : un texte commence à finir à son commencement ; ou même, cas inverse, un texte peut aussi présenter un commencement qui dure jusqu’à la fin (voir les actes publiés dans la revue Textuel, 48, 2005).

[15] Voir notamment l’article inclus dans cet ensemble, ainsi que son ouvrage Le Dénouement, Lagrasse, Verdier, 2005.

[16] G. Flaubert, lettre à Louise Bouilhet du 4 septembre 1850, Correspondance, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 680.